Chronique
Des heures de travail dans chaque bouchée
Dans notre petite bulle de printemps dans la serre, nos mains sont occupées à bichonner vos futurs repas. D’une certaine manière, on s’invite à votre table, dans votre routine nourricière. C’est le privilège de notre métier : vous nourrir.
Où en est la saison en ce 12 avril
Notre petite serre pépinière est bien remplies, de plusieurs petites superficies de cultures diversifiées. Si vous passez à notre boutique libre-service, vous pouvez déjà mettre à votre menu des oignons verts, de l’ail vert, des épinards, des radis, des micropousses, des oeufs, en plus de tous nos produits transformés à la ferme. Bientôt s’ajouterons du pak-choï et les mélanges de mesclun et des fines herbes en pots.
Pendant ce temps, les rabioles, pois mange-tout, haricots jaunes, carottes, betteraves, céleris et gingembre poussent à leur rythme, et arriverons plus tard selon leur saisonnalité.
Les plateaux des légumes destinés à être cultivés au champ, sous tunnel ou à l’air libre, jonchent toutes les surfaces disponibles. C’est l’engorgement en attendant que la température s’adoucisse pour qu’on puisse les sortir à l’endurcissement avant la transplantation.
Nos tomates italiennes se remettent en douceur de leur greffe. On les surveille de près dans leur chambre de guérison.
Normalement, nous visons la 3e semaine d’avril pour les transplants et semis en tunnel. Mais cette année avec le printemps tardif il y a de fortes chances que cette date cible soit décalée de quelques jours. C’est la température du sol en tunnel qui en décidera. Mais la neige sous les toiles fond vite grâce au soleil qui est de retour.
Les fraises et les framboises sont encore en toute sécurité sous la neige et c’est le grand réconfort de ce début de saison, après une saison 2024 difficile. Plus ces cultures sont retardées par une neige qui s’éternise, plus cela diminue nos risque de gel printanier en pleine floraison.
Les poules sont bien heureuse de commencer à avoir des fonds de plateaux de micropousses, et leur fréquence de ponte a augmentée avec le retour de la luminosité. Nous venons toutefois de perdre l’une de nos poules doyennes, mais nous nous consolons par l’arrivée prochaine de 7 petits poussins qui formeront la relève pour l’an prochain.
Les grandes espérances
C’est le moment de la saison où notre énergie est à son maximum. Et nous savourons en famille chacune des fins de semaines qu’il nous reste avant d’entrer dans la course folle de ces 5 mois sans congé ou presque qui sont devant nous. C’est un moment qui donne le vertige.
C’est le moment aussi où s’entrechoquent en nous les craintes et les espoirs.
La crainte de perdre à nouveau des récoltes, et de précieux revenus après tout ce temps et cet argent investis à cultiver nos champs. En agriculture, on n’a aucune garantie que nos heures de travail et nos investissements vont mener à une récolte. Et encore moins de garantie que nous aurons un salaire à la fin de l’année.
L’espoir d’une année généreuse, en rendement et en expériences positives. Il n’y a rien d’aussi valorisant et concret que de voir et revoir nos clients savourer nos produits, ou un moment dans nos champs. Chacun de vos petits mots, que cela soit en personne ou par écrit à la boutique libre-service fait toute la différence dans notre journée. Merci à tous ces clients qui prennent le temps de nous transmettre leur appréciation.
La peur de manquer d’énergie avant la ligne d’arrivée à l’automne prochain. C’est l’un des plus gros défis. Doser son énergie physique et mentale. Ajuster sa routine de vie pour tenir le rythme jusqu’à la fin, sans se rendre malade à faire ce métier que nous aimons tant.
Et surtout l’espoir que les locavores soient au rendez-vous durablement. Vous ne le savez peut-être pas. Mais vous faites partie de l’équipe. Pour chaque fruit ou légumes que nous bichonnons et qui sortent de nos champs, il nous faut un mangeur. C’est votre rôle et votre privilège. Choisir ceux qui vous nourrissent, et comment est produite la nourriture qui fera partie de vous, jusque dans chacune de vos cellules.
Plus il y aura de mangeurs du territoire, appréciant la pleine ampleur du travail dans chaque bouchée, plus on se donne l’opportunité collective de pérenniser notre agriculture d’ici.
C’est notre espérance folle pour l’avenir.
