Chronique
À l’abri des tunnels
Les champs sont encore gorgés d’eau froide. Impossible d’y transplanter ou semer des légumes avant encore plusieurs jours. Encore moins d’y entrer avec de la machinerie.
Mais sous les tunnels chenille, c’est une autre réalité. Il y a fait quelques degrés de plus, et sous leur toile, le sol y est à l’abri de la pluie et se draine beaucoup plus rapidement. Les travaux aux champs sont commencés.
Le rush des tunnels
Cette semaine et la semaine qui vient, c’est le rush dans les tunnels. La température de sol minimale pour transplanter et semer a été atteinte, et le sol est suffisamment drainé pour y commencer les travaux.
Déjà les oignons verts, les bokchoïs et la moitié des betteraves y sont transplantés.
Mais il nous reste beaucoup à faire et chaque jour compte afin que nos récoltes arrivent sur les étalages aux dates planifiées, surtout que cette année le printemps est plus tardif.
C’est quoi un tunnel chenille?
À la différence d’une serre, un tunnel, est un abri non chauffé et mobile. Il en existe plusieurs types.
- Les mini tunnels qui ne couvrent que la planche de culture mais dans lesquelles on ne peut pas entrer;
- les tunnels chenille qui font environ 12 pieds de large et dans lesquels les travailleurs peuvent entrer avec des outils manuels;
- les grands tunnels qui sont assez grands pour y entrer de la machinerie.
À la ferme, nous utilisons des tunnels chenille. Ils portent leur nom amusant de leur allure tubulaire ondulée.
C’est un système d’arceaux de métal, recouvert d’une longue toile attachée par des cordes.
Pourquoi en utiliser?
Les tunnels, peu importe le type, ont tous le même rôle : diminuer les risques climatiques sur les cultures et ainsi allonger la saison de production.
Grâce à leur toile, il y fait plus chaud de jour comme de nuit. Avec le soleil de jour le gain peut facilement être de 10 à 15 degrés Celsius, alors que de nuit le gain est de 3 à 5 degrés.
La toile protège également des précipitations qui pourraient gâcher les cultures si elles sont trop abondantes ainsi que du vent qui peut également diminuer la température sur les cultures et affecter leur croissance.
Avec un tunnel, il est donc possible de transplanter ou semer aux champs entre 2 à 4 semaines avant les parcelles non protégées. Cela nous permet de mieux planifier notre saison mais surtout c’est une solution pour diminuer les risques.
Cela semble merveilleux dit comme ça. Alors pourquoi ne pas en avoir à la grandeur de nos champs?
Certains producteurs décident de le faire, mais rien n’est jamais parfait. Et les tunnels impliquent également beaucoup de contraintes et de charge de travail. Il faut donc évaluer notre capacité à ajouter tout ce que cela implique dans notre quotidien et savoir doser le nombre réel de tunnels nécessaires à notre entreprise.
Les défauts des qualités
Comme toute chose, les tunnels ont également les défauts de leurs qualités.
S’il fait très chaud, la température en tunnel montera au-dessus du seuil idéal de culture. Ce qui peut diminuer la qualité des récoltes et leurs rendements. Par jours chauds, il faut lever manuellement les toiles de chaque côté des tunnels, un arceau à la fois, puis les redescendre le soir venu lorsque les nuits s’annoncent fraîches. C’est long, et exigeant physiquement.
Il faut irriguer les tunnels fréquemment puisqu’aucune eau de pluie ne viendra les abreuver.
Dans certains cas il faut prévoir des ombrières à déployer au besoin par-dessus la toile.
Des neiges tardives au printemps ou hâtives à l’automne peuvent faire s’écrouler un tunnel s’il n’est pas déneigé.
En raison de la neige, la toile des tunnels ne peut rester déployée durant l’hiver québécois. Certains producteurs l’enlèvent complètement pour la remiser, mais nous préférons l’attacher au sommet des arceaux en boudin serrés.
Le vent peut s’engouffrer dans la toile et la déplacer, exposant les cultures au froid, ou abîmant la structure du tunnel.
Selon les choix de rotation des cultures et les techniques de travaux de sol, les tunnels doivent être démontés puis déménagés à une certaine fréquence.
Comme on arrive à y transplanter des légumes très tôt, alors qu’il n’y a rien dans les champs, et que le vert printanier n’a pas encore émergé, la pression de la faune environnante est anormalement élevée sur nos cultures. Les marmottes raffolent particulièrement des jeunes pousses de betteraves, et après plusieurs années à perdre l’entièreté de nos primeurs dans le ventre de la famille Marmotte, nous nous sommes résignés à mettre du grillage à poule sur la totalité de superficies à risque. C’est long à installer et à enlever, et cela abime nos couvertures flottantes ou nos filets à insecte qui doivent être ajoutés par-dessus nos cultures.
Ils représentent également des dépenses supplémentaires à l’acquisition et à l’entretien, qui sont toutes relatives au type de tunnel utilisé. Il faut que les cultures qu’ils abritent parviennent à payer ces frais fixes en plus de tout le temps d’opération qu’ils nécessitent.
Nos tunnels
Nous avons 3 tunnels de 200 pieds au total qui restent en place pour 3 années.
Chaque automne nous en déménageons un sur une parcelle dont le sol est fraîchement travaillé au tracteur pour y mettre trois buttes en plasticulture irriguées au goutte-à-goutte.
Le tunnel de l’année 1 (celui déménagé à l’automne précédent) est semé entièrement en haricot jaune.
Le tunnel de l’année 2, qui succède aux haricots de l’année précédente et utilise les mêmes buttes en plasticulture sans travail de sol, est transplanté tôt au printemps en légumes diversifiés (oignons verts, betteraves, pakchoï, tomates italiennes, poivrons). Une deuxième séquence de cultures diversifiées durant l’été est transplantée en succession à certains légumes de primeur qui y seront récoltés en juin.
Le tunnel de l’année 3 qui succède aux légumes diversifiés accueillera les patates grelots après un travail du sol manuel assez laborieux, pour y enlever les plastiques et y ameublir le sol avec un rotoculteur manuel.
Nous prévoyons ajouter un 4e tunnel de 200 pieds à l’automne 2025 afin d’arriver à y faire des semis directs de légumes racines un peu plus tôt en saison. Mais nous devrons réviser nos cycles de déménagement de tunnel afin de limiter l’ampleur des travaux devant être faite manuellement dans les tunnels (quand on a un tracteur pour gérer les mauvaises herbes et les travaux de sol, on a envie de l’utiliser!).
