Chronique
Audit Bio annuel, pas une mince affaire
En septembre dernier, c’était notre audit pour le maintien de notre certification biologique avec Ecocert Canada. Un audit bio, c’est toujours une grosse étape à franchir dans l’année.
Avec une entreprise très diversifiée comme la nôtre, alliant production végétale et transformation alimentaire, la complexité de l’audit et du processus de certification est amplifiée.
Sur les 5 heures d’audit, 4 ont été consacrés à la tenue des différents registres de productions.
La traçabilité à travers les registres
En gros un audit vérifie la précision de nos registres à travers plusieurs questions et exercices afin d’assurer la traçabilité de nos actions et intrants associés à nos produits vendus.
Par exemple, à partir d’une facture de vente choisie au hasard, nous devons être en mesure de préciser la date et le point de vente, le lot le cas échant, la date de récolte, la date et le lieu de semis, tous les intrants ayant servis à cette culture, et nous devons ensuite fournir la facture de chaque intrant et démontrer qu’ils répondent aux critères d’une régie biologique.
Pour réussir cette partie de l’inspection avec succès, nous devons appliquer une rigueur permanente dans la tenue de nos livres et de nos registres de production.
En plus de nos documents comptables et de notre application de ventes, nous avons en permanence 5 cartables opérationnels comprenant chacun plusieurs registres : Production serre, Production champs, Récoltes, Transformation breuvages, Transformation produits déshydratés.
Les exercices de balance de produits
L’inspecteur vérifie également que nos ventes sont cohérentes avec nos productions pour déceler si applicable des fraudes potentielles.
Nous devons pour ça faire des exercices de balance d’inventaire de certaines cultures choisies par l’inspecteur, pour lesquelles nous devons pouvoir démontrer la cohérence entre nos ventes et notre production.
Cela semble simple dit comme ça, mais lorsqu’on transforme nos récoltes en produits tel que des alcools, des tisanes, de la barbotine, etc, même si certains de nos produits finaux ne sont pas certifiés biologiques et que d’autres le sont, il faut pouvoir retracer chaque Kg de produit sans distinction.
De plus, avec des produits transformés, nous nous retrouvons avec une partie de la récolte déjà vendue et une autre entreposées en attente de transformation ou de vente. Il faut donc un inventaire à jour de tous nos produits en permanence.
Donc pour chaque hectare de fraise, nous devons pouvoir dire combien de fraise sont récoltées, combien nous estimons ont été perdues aux champs, combien sont vendues à l’autocueillette, combien sont vendues en panier, combien sont congelées pour la transformation, combien sont déshydratées, quelle est la masse de la perte aux différentes étapes de transformation, combien sont vendues ou entreposées sous leurs différentes formes, tout ça en considérant que l’entreposage de produit pour la transformation couvre normalement plusieurs années de production. Comme en ce moment nous avons des récoltes de 2023 à 2025 en stock. Il faut donc également garder la traçabilité des années de récolte pour que nos chiffres soient cohérents avec notre potentiel de rendement à l’hectare.
C’est l’étape qui nous donne toujours le plus chaud, même avec des registres bien tenus, et c’est également l’étape la plus longue de l’inspection.
L’inspection des lieux de production
La dernière heure de l’audit est une inspection physique des champs et des bâtiments d’entreposage et de production.
L’inspecteur doit voir les cultures, les semences, chaque intrant, les bâtiments, nos registres, nos inventaires de produits transformés, nos étiquettes. Il prend des photos et des mesures.
Avant et après l’audit
En amont de cet audit, nous devons transmettre à notre organisme la liste et preuve de conformité de tous nos intrants, faire approuver toutes nos étiquettes et transmettre nos plans de productions détaillés par culture.
Après l’inspection, en cas d’actions correctives requises, nous avons 1 mois pour nous conformer et prouver que nous avons redressé la situation, sinon nous perdons la certification.
Par exemple cette année nous avions une action corrective pour la traçabilité de certains numéros de lot.
Il a donc fallu réviser nos procédures et registres déficients et les modifiés afin d’assurer une prise de note plus rigoureuse à certaines étapes.
L’obtention et le maintien de cette certification nous donnent le droit d’utiliser les mentions « bio », « biologique » ou « organic » exclusivement pour les produits listés sur notre certificat. Si nous avons des cultures ou des produits pour lesquels nous avons appliqué la même régie de production que nos produits certifiés, mais qui ne faisaient pas partie de la liste de nos produits déclarés pour l’inspection, ils ne peuvent pas porter la mention »bio » et notre distinction d’affichage doit être très claire en ce sens. Par exemple nous avons fait un test de production de patate douce cette année. C’était une improvisation non planifiée au plan de production. Nos patates douces 2025 ne sont donc pas certifiées biologiques.
»Biologique », une appellation réservée
Les entreprises certifiées n’ont pas l’obligation d’afficher leur certificat (surtout qu’il fait souvent plusieurs pages), mais chaque client peut retracer via les organismes de certification les produits certifiés d’une entreprise.
L’entité qui gère l’utilisation de l’appellation biologique au Québec est le CARTV (Conseil des appellations réservées et des termes valorisants).
Toute personne peut déposer une plainte anonyme au CARTV si il ou elle soupçonne que le terme biologique est utilisé à tort.
Si l’entreprise qui fait l’objet d’une inspection du CARTV est reconnue fautive, elle devra payer une amande salée.
La fiabilité du bio canadien
Lorsqu’on passe à travers tout ça, et qu’on entend encore des clients nous dire qu’ils ne croient pas au bio, ou ne font pas confiance à ce terme, on se dit qu’il y a vraiment une rupture dans la transmission de l’information entre le milieu biologique et le grand public.
Le Canada possède une norme biologique qui est parmi les plus strictes au monde. Chaque organisme de certification doit au minimum suivre cette norme, mais peut aussi être plus strict.
Là où le bât blesse, c’est qu’il n’y a pas d’équivalence sur le bio importé.
C’est-à-dire qu’un produit certifié biologique dans un autre pays, selon les normes biologiques de ce pays qui sont malheureusement souvent moins rigoureuses que les nôtres, peut être vendu sous l’appellation bio au Canada.
Considérant que nous avons des normes imposant plus de contraintes de productions ici (pour de bonnes raisons), nos coûts de production sont nécessairement plus élevés. Cela créer une compétition inégale sur les prix de vente en plus d’un manque de transparence sur la qualité de la norme biologique appliquée à la production.
Il y a donc encore place à l’amélioration.
Mais la règle d’or, c’est que le bio d’ici est fiable et bien encadré.
Une autre bonne raison de manger bio et LOCAL!

Madeleine Olivier
Chroniqueuse
vie sur terre

